Je suis assise dans un café, frissonnante et avec un oeil larmoyant, en train de faire passer le temps avant d’entamer ma journée de travail. Je combine aujourd’hui un mix délicieux de Grosse Crève de Derrière les Fagots + Migraine Mon Amour (cette dernière, comme le savent mes proches, est une invitée régulière dans ma life – une invitée qui n’est pas sans rappeler cette voisine casse-pied qui vous chope systématiquement dès que vous mettez le nez dehors et vous parle pendant des heures de sa vie si difficile, ou alors les avis de recouvrement URSSAF – yep, on s’en passerait bien).
(moi, ce jour)
Je sors de chez le médecin, par un hasard de la vie, j’avais pris rendez-vous il y a quinze jours pour autre chose. Celui-ci m’a rappelé que mes choix de vie étaient aussi discutables que les siens : les gens intelligents font Salarié dans la vie, pas Indépendant, et ensuite ils prennent des arrêts maladie quand ils sont en vrac, plutôt que d’aller bosser. Piqûre de rappel totalement inutile ceci dit, d’une part ça ne change rien à mon état actuel des choses, et en réalité, je crois que je referai peut-être bien les mêmes choix professionnels. Je me demande souvent pourquoi, d’ailleurs?
Je ne sais pas vraiment comment vivent les Salariés, car je n’ai qu’une vue de l’extérieur, je ne l’ai quasiment jamais vécu. J’ai été salariée 5 minutes au début de ma vie professionnelle, lorsque j’étais très jeune, ce qui ne m’a pas permis de vraiment vivre l’expérience de ce que ce statut comporte réellement d’avantages et d’inconvénients.
J’ai été élevée par un père qui venait d’une culture de self-made people, qui mettent le concept de liberté en tête des valeurs importantes, et qui portent la notion de travail aux nues. Le travail vous définit, vous permet d’être une meilleure version de vous-même, vous donne la liberté qui nous rend humain et non juste animal. Mouais. Plus je vieillis, plus je remets en question ces principes. Liberté et travail sont-ils vraiment compatibles, en fait? Au final, est-ce qu’on ne bosse pas tout simplement pour payer des factures? Qui, s’iel gagnait le gros lot au loto, continuerait à se lever tous les jours pour faire un job, même aimé, de 8h à 18h? Pas grand monde, je crois, si on est honnête avec soi-même.
Attention, je ne dis pas qu’on ne ferait rien du tout. L’oisiveté permanente n’est pas pour tout le monde. Mais on choisirait probablement de faire des choses qui ont du sens pour nous, à un rythme qui nous convient mieux, et sans obligation de routine métro-boulot-dodo, jamais.
Le concept de travailleur salarié, en France tout du moins, peut permettre une autre façon de voir sa vie. On peut considérer plus facilement que le travail est nécessaire aux réalités de la vie moderne, tout en se préservant, grâce aux lois qui permettent des trucs de dingue, comme les arrêts maladie, histoire de ne pas bosser quand on est malade comme un chien (ceci dit, aurais-je développé un talent de ouf pour rythmer mes cours entre exercices donnés aux élèves et course vers les toilettes les plus proches pour vomir ma migraine si j’avais pu bénéficier de ce concept? Je ne crois pas, non).
Les congés payés, aussi, c’est un concept magnifique. Quand on est indépendant dans la formation, on a des tonnes de congés. Mais pas de congés payés. Cette différence, d’un seul tout petit mot, est TRÈS significative.
Grâce à la prise en compte désormais du célèbre Burnes-Août en tant que maladie professionnelle, la France n’autorise plus les Managers de Merde (MM) à harceler leurs employés en dehors de heures de travail. Un salarié n’est pas censé travailler le soir ou le weekend (même si, dans les faits, cela arrive souvent quand même, cela ne peut pas être exigé). Un MM n’a pas le droit d’appeler un salarié en congé ou en arrêt. Il doit respecter le temps de repos dudit salarié, qui non seulement a probablement une vie, mais on lui souhaite d’avoir une vie riche de plein de choses qui n’ont rien à voir avec son travail, justement. Puisque, comme vu ci-dessus, le travail sert à financer la vie, mais n’est pas la vie elle-même.
Dans ma vie, de travailleuse à l’américaine, mais qui se soigne (mal), afin de rétablir un équilibre entre goût du travail bien fait, qui a du sens, et appréciation de la Vie Hors Travail, je me convaincs que cette liberté que j’ai, que je paie bien cher, au quotidien, est ce qui m’importe le plus. Dans l’ensemble, j’y crois encore. Je peux refuser les contrats de gens qui me soûlent (et je le fais souvent). J’ai mis en place, avec l’âge, un système de gestion de l’acception ou du refus des contrats. Dans l’ensemble, un contrat doit comporter au moins un, ou plusieurs, des éléments suivants :
– local
– bien payé
– me nourrir l’âme/avoir du sens
Jusque récemment, il fallait qu’un contrat remplisse au moins un des trois points ci-dessus. J’ai récemment décidé que ce devait être deux sur trois points, finalement, et je me tâte à passer à trois sur trois (j’ai trop de contrats qui n’ont pas de sens, ces temps-ci, et ça me bouffe l’âme, mais c’est un autre débat pour un autre jour).
Donc j’ai une forme de liberté, en effet. Mais au final, je reste tributaire des mêmes réalités que les salariés. Je suis à la merci des budgets de formation, dès que je suis malade/ incapable de travailler because of the reasons, ma situation financière déjà bien précaire passe sous la barre du Tolérable Même Quand On N’a Pas Un Train De Vie De Ouf. On ne va pas parler du concept hilarant et purement fictionnel de Ma Future Retraite. Ou de mes droits au chômage. Non, on ne va pas.
Et pourtant, malgré tout ça, je pense que je referais ces choix. Est-ce parce que je suis maso? Est-ce parce que je ne sais pas fonctionner autrement? Mon conditionnement familial? Mon absence de cursus universitaire y est pour quelque chose, c’est clair : sans diplôme, il est beaucoup plus difficile d’obtenir un poste « normal » intéressant, que ce soit en matière de rémunération ou d’attirance personnelle pour ledit job (qui est propre à chacun, bien évidemment. Perso, je rêverais d’un super job de bibliothécaire/factrice à vélo, ou alors salariée dans une société de gardiennage, sur un site comme sur l’un de ceux où j’interviens, où clairement il ne se passe jamais rien, et certains gardiens ont tout le temps du monde pour scroller/jouer sur leur téléphone, ou passer un diplôme à distance en littérature anglo-saxonne, pour ne citer que deux possibilités – je vous laisse chercher laquelle me fait rêver le plus). Ou alors rentière, ou gagnante au Loto, mais s’oppose alors la triste réalité à mon rêve : 100% des gagnants ont tenté leur chance.
Brèfle, tout ceci n’était que divagations et fumeuses réflexions un jour où mon cerveau va bien bien mal, je ne sais pas ce qu’il en paraîtra à la lumière du jour…
J’avais écrit tout un commentaire et il a été effacé. Bref. Les boules. Vives les indés.
argh les boules indeed. Go us!!!