Call me Madam Compost

Je dois vous faire un aveu, un peu honteux : je kiffe le compost.

C’est un sujet que je trouve fascinant, excitant, enthousiasmant, même. C’est pas ultra glam, ça fait assez peu femme du monde, mais c’est comme ça.
Du coup, lorsque je suis tombée par hasard sur une proposition de la part de ma ville, pour une formation sur le compostage, je n’ai pas hésité longtemps. Il s’agissait d’une formation en trois modules, d’une demi-journée chacun.

Deux questions me sont immédiatement venues à l’esprit :

1. De quoi le baise va-t-on parler pendant TROIS demi-journées?! Jusque là, le compost était une façon de réduire mes déchets, et se réduisait à balancer tout ce qui est dégradable dans un bac, et voilàààààà. Mais étant hyper perspicace, je me suis dit que je devais être dans l’erreur, du coup. Il y a peu de chance que la ville offre une formation pour répéter Voilààààààààà pendant trois demi-journées.

2. Qui sont les autres gens chelous qui vont s’inscrire à une telle formation?! Clairement, ce sont des gens bien, et intéressants, donc je veux les rencontrer.

Je me suis donc inscrite illico presto à ladite formation, et j’ai rongé mon frein jusqu’à la première session.

Mon aventure de composteuse? compostière? a démarré en 2014, lorsque je me suis trouvée dans une commune qui a décidé de mettre en place un concept fabuleux (oui, j’étais déjà over-excited par le concept de réduction de déchets à l’époque) : les poubelles au poids. Il s’agit de faire payer les usagers pour les déchets qu’ils produisent, et non plus sous forme d’une redevance ou taxe au montant unique. La façon d’aborder le problème est donc totalement différente, l’usager est acteur et non simple consommateur. Nous avons reçu deux poubelles par foyer, avec des tailles différentes en fonction de la constitution dudit foyer. L’une de ces poubelles, la poubelle « classique » avait deux particularités, elle était munie d’une clé, et d’un code. La poubelle « jaune », pour les déchets recyclables, était la même que partout en France. La communauté de communes propose également, à des tarifs défiant toute concurrence, des bacs à compost de bonne facture.

 

Ensuite, armés de nos deux poubelles, let the fun begin! J’ai investi dans un bac à compost, et petit à petit, changé ma vie et ma façon de gérer mes déchets. Et petit à petit, les autres habitants de nos communes pilotes ont également changé leur vie et leurs habitudes, ce qui n’a pas été sans peine au début évidemment.
ÉVIDEMMENT, le français moyen a protesté, parce que tout changement est toujours l’occasion de déclencher des tollés et des protestations du type « on n’a jamais fait comme ça », « spa possible hein » et tout le toutim habituel. Mais assez rapidement, les gens ont changé d’avis. Pour beaucoup de personnes, cela a été un retour aux sources, parce qu’autrefois, apparemment, tout le monde avait un compost, généralement sous la forme d’un simple tas dans le jardin, mais c’était très répandu. Soit les gens avaient déjà fait ça dans le passé, ou alors ils avaient vu leurs parents ou grand-parents faire ça.
Et puis, une fois que les usagers ont commencé à composter, et prêter désormais attention au remplissage de leur poubelle, ils se sont rendus compte que finalement, cela leur revenait moins cher qu’avant, lorsqu’ils payaient la redevance traditionnelle, qui est basée sur la production moyenne de déchets d’un français moyen (4,6 tonnes par habitant en 2020, rien que ça).
Bien entendu, on n’est pas dans un téléfilm M6, donc ça n’a pas été parfait, loin s’en faut. Y a un petit pourcentage de Gros Cons qui ont décidé qu’il était hors de question de gérer leurs propres déchets, et qui sont allés balancer leurs poubelles dans la forêt. Mais à mon avis, quand on est Gros Con au point d’être prêt à prendre sa voiture en trimballant son sac poubelle puant, voire dégoulinant, pour aller le jeter dans la nature, plutôt que d’accepter de le mettre dans une poubelle au poids, il n’y a plus rien à faire pour sauver les meubles, on est sur de l’encéphalogramme plat à ce niveau-là.

Dans l’ensemble, donc, cette opération a été un succès, et pour beaucoup de gens, moi y compris, ça a été l’occasion de se (re) mettre au compost. Ceci dit, je ne m’en servais alors que pour me débarrasser de mes déchets compostables, et je n’utilisais pas le compost que j’étais censée produire avec mon composteur. Pas hyper facile d’accès, et puis je n’ai pas été jusque là dans la démarche et la lecture des informations sur le sujet.

Fast forward to 2023, j’ai déménagé entre-temps, ma communauté de communes (qui a absorbé mon ancienne communauté de communes) a fait le choix de ne pas appliquer le concept des poubelles au poids, mais j’ai un composteur dans mon petit jardin de ville, qui sert d’ailleurs pour toute la copropriété. Je ne fais toujours rien de mon compost, toujours pour les raisons citées ci-dessus.

Et puis, je suis allée à la formation. J’ai rencontré des gens dans l’ensemble fort agréables, aux profils très variés, des gens qui venaient pour apprendre à gérer leur compost personnel, d’autres qui venaient pour apprendre à gérer le compost d’une école, des curieux, des gens qui cherchent à améliorer les connaissances qu’ils transmettent, des sauveurs de la planète, brèfle, il y a de tout dans le monde du compost, visiblement.

Nous étions reçus dans les locaux du SMDO (les gens qui gèrent les déchets chez nous), avec boissons chaudes et viennoiseries, donc déjà ça commençait bien. Nous avons été formés par un Maître Composteur (titre que je trouve extraordinairement stylé), qui lui-même a été formé par l’ADEME si j’ai bien tout compris. Et j’ai appris tellement, tellement de choses sur le compost. C’est bien plus que juste tout balancer dans un bac et voilàààààààà. Je sais désormais diagnostiquer un compost, même avec une simple description, j’ai compris les histoires d’équilibre entre brun et vert, les nuances plus ou moins utiles de produits compostables ou non, les interdits qui finalement n’en sont jamais vraiment, c’était ABSOLUMENT FASCINANT. J’ai passé trois sessions fabuleuses, et j’en veux encore. Je crève d’envie de devenir Maître Composteur pour me la raconter lors des dîners (plus ou moins chics).
Ma triste réalité, c’est que pour devenir Maître Composteur, il faut 12 sessions de formation, qui comprennent les différents type de compostage, comme le compostage collectif, ou les toilettes sèches, etc. Et je n’ai pas les moyens de mes ambitions, apparemment les enfants doivent manger TOUS LES JOURS, et les chiens aussi, et on ne peut pas tergiverser sur ces points pour se payer des formations. Je n’ai donc que 3 niveaux sur les 12 requis, et c’est déjà pas mal.

Et pourquoi, au grand pourquoi, me direz-vous, est-ce que la ville finance ce genre de chose pour des particuliers? Vous faites bien de poser la question.
Figurez-vous que dans quelques jours, le 1er janvier 2024 pour être précis, il sera interdit désormais de mettre des biodéchets dans votre poubelle « classique », comme vous faisiez jusque là. En effet, il sera maintenant obligatoire de composter les déchets qui sont compostables. Bien entendu, la solution la plus pratique pour la plupart des consommateurs (particulièrement en ville) serait un ramassage de bac supplémentaire, mais cette solution-là nécessite la mise en place d’une logistique assez conséquente, avec un coût très élevé, qui forcément se répercuterait sur les impôts locaux. L’alternative, c’est d’inciter au compostage individuel, et demander aux usagers d’être acteurs de leur gestion de déchets, un peu comme dans ma commune en 2014.
Ma ville propose donc des formations de référents compost, comme celle à laquelle j’ai assisté, et nous autres référents composteurs sommes désormais aptes à aider nos concitoyens dans la mise en place et/ou la gestion sur la durée de solutions de compostage.

J’ai ainsi pu aider plusieurs personnes à mieux réguler leurs apports, et supprimer des sources d’odeurs, ou des nuées d’insectes trop importantes, et c’est un kif total pour moi.

Le seul bémol, même si je suis très reconnaissante à ma ville pour cette formation, serait qu’on n’est pas formés pour le compostage collectif, qui est finalement le vrai sujet. Les gens qui disposent d’un jardin, pour la plupart, ont souvent déjà un compost, et même si nous pouvons leur être utile, dans les faits, ceux qui vont avoir besoin d’aide à partir du 1er janvier seront les gens qui vivent en appartement. Nous avons bien entendu eu des pistes pour les aider, mais les modules de formation spécifiques au compostage collectif seraient un vrai plus, je trouve.

 

Avis au Père Noël, j’ai été très très sage cette année, et j’aimerais bien trouver sous mon sapin une formation de Maître Composteur, siouplé.

8 Replies to “Call me Madam Compost”

  1. Cette publication et notre récente conversation sur zoom m’ont mis le coup de pied aux fesses dont j’avais apparemment besoin pour me rappeler, en ce début d’année 2024, de m’inscrire à l’association de compostage de mon quartier, Le Tripot ! Ça faisait juste 3 ans que je voulais le faire.

  2. Hahahaha mieux vaut tard que jamais, félicitations! Tu as dépassé ta procrastination, ce n’est pas une mince affaire.

    1. Et j’ai adhéré à la FNAE (Fédération des autoentrepreneurs) et j’ai téléphoné à l’URSSAF et à la CAF (bon, la CAF ne m’a répondu au bout d’un quart d’heure, mais quand même, j’ai appelé et patienté !) !

      1. Purée on ne t’arrête plus en fait!

  3. Félicitations de toute manière, tu sais tout faire

  4. Hahaha j’aime ton esprit critique, très pertinent. Merci!!

  5. Très belles initiatives, nous utilisons notre compost pour le jardin et l’étalons à l’automne au pied des arbustes et des arbres fruitiers. J’en glisse même dans mes plantes après filtrage.

    1. Ah super! Il faudra que vous me coachiez sur ces points-là, je ne suis pas encore très au point sur l’utilisation dudit compost, par contre….

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